Futterer Joseph, né le 9/05/14 décédé le 21/09/95, avait écrit ses mémoires de guerre depuis 1939 dans un carnet de poche, en voici un extrait:
12 Février 1943 Fuite en Suisse
Dangel Henri, Mattler Joseph, Meister Paul et moi-même se rassemblent vers 20 h à la Saboterie. D'autres jeunes de Moernach se joignent à nous: Reinhart Joseph, Metzger Charles, Metzger Paul et Walter Armand de Koestlach, d'autres jeunes du secteur arrivent encore. Au total, nous sommes 36 à se diriger vers Oberlarg, nous passons la frontière Suisse sans être vus. Vers 23h, nous sommes au bureau des douanes de Charmoille en Suisse. Nous sommes bien reçus par le chef de poste, nous passons le reste de la nuit à la mairie. Le lendemain matin, 13 février, nous prenons le petit déjeuner chez le Maire de Charmoille, puis nous embarquons en camion direction Délémont en passant par Asuel, les Rangiers. Vers midi, nous déjeunons dans un hôtel de Délémont. Nous rencontrons d'autres réfugiés, nous sommes déjà 316 alsaciens. Nous montons dans le train, passons dans le beau Jura bernois, nous descendons du train à Lengnau, situé à 20 km au nord de Bienne. Après une marche d'une bonne heure, nous arrivons dans le camp de réfugiés de Buren an der Aare. On loge dans des baraques. Le change se fait à 100 RM à 15 Frs Suisse ou 100 Frs Français à 1.20 Frs suisse.
Le 18 Février, à la cantine, un accordéon joue la Marseillaise, 380 alsaciens réfugiés se lèvent et entonnent en chœur le chant national français, tous unis prêts à défendre la cause nationale.
Le 21 Février, un Dimanche, un autel est levé dans une baraque. L'abbé Kueny de Saint-Louis, réfugié comme nous, célèbre la messe. En quelques paroles émouvantes, il retrace notre fuite et fait revivre dans nos cœurs le souvenir de ceux qui nous sont chers, qui loin de nous pensent à notre destin. Après un appel a tous: restez chrétiens et alsaciens, 444 alsaciens se lèvent, les larmes aux yeux et entonnent le "Grosser Gott wir loben dich". La vie au camp: on aménage le camp, la nourriture est simple, sans excès, peu de pain. Nous couchons par groupe de 60 dans les baraques. L'abbé Kueny célèbre tous les jours une messe. Je travaille au bureau du magasin. D'autres réfugiés arrivent. On apprend que l'autorité allemande a déporté les familles en Alsace de tous ceux dont les fils ou d'autres membres de la famille se sont évadés. Il parait qu'il y a eu des morts aux frontières, apparemment 3 à Seppois, 16 fusillés du coté de Strasbourg. C'est la panique dans les cœurs de tous les internés, chacun se fait du souci pour les siens, je pleure le sort de ma mère. Les journées passent lentement, le moral est au plus bas.
Pour nous distraire on nous joue du théâtre et du cinéma.
D'autres réfugiés arrivent de France, de Belgique, de Hollande et même d'Allemagne. A présent nous sommes plus de 750 vers fin mars.
Le 1er Avril, je suis envoyé dans une ferme à Diesbach, un village agricole de 800 habitants, à 6 km du camp de Buren, comme ouvrier agricole. Toute la région est protestante. Je travaille dans la ferme depuis tôt le matin jusqu'au soir. Le patron est 100% Suisse, mais je vis correctement, je n'ai pas à me plaindre.
Le 1er Mai, les garçons plantent des sapins aux belles jeunes filles, le "Mai Tannle".
Le 9 mai, j ' ai 29 ans, journée morose.
Le 25 décembre 1943, je passe Noël à Asuel, je rencontre Prosper Mattler et Schebath.
Je reste dans la ferme à Diesbach chez Fritz Balmer jusqu'au 20 Octobre 1944, soit presque 18 mois.
Le 20 octobre 1944 la France nous appelle.
Nous partons à plusieurs réfugiés à Le Locle, à 8 km environs de la Chaux de Fonds, à 2 km de la frontière française. De là, des camions militaires français nous cherchent et nous conduisent à Villers le Lac, nous passons la nuit et partons, le lendemain, à Ornans dans le Doubs. Nous sommes incorporés au GMA, groupement mobile d'Alsace, la CA du 2ème Bataillons de chasseur a pied, le 2ème BCP , je reprends mon grade de caporal. Après 8 jours de séjours à Ornans, nous partons pour Mouthier... suite des opérations de libération de l'Alsace.
M. M A T T L E R Prosper, 21 ans, condamné à la prison
Voici son récit:
Mattler Prosper, Enderlin René, Baysang Achille de Moernach et des prisonniers français voulaient s'évader en Suisse, par les Ebourbettes. Malheureusement ils se sont faits arrêter par les douaniers allemands. Prosper, considéré comme le meneur, a été condamné à 11 mois de prison à Mulhouse. "La prison était une punition plus importante qu'un séjour au camp de Schirmeck. Vers la fin des 3 derniers mois on devait travailler à l'usine de gaz à Mulhouse. J'ai passé 3 jours au bunker, en cellule, au pain sec et à l'eau, parce que ma sœur m'avait mis quelques graines de saccharine dans la chemise. J'étais d'abord seul dans une cellule durant 3 mois. Les gardiens alsaciens n'étaient pas tendres, alors qu'un gardien allemand me donnait chaque jour son casse-croûte, c'était un homme bon, ils n'étaient pas tous des Hitler. A ma sortie de prison, le directeur m'a dit "Na wollen Sie es nochmal probieren durchzuhauen?" Voulez vous encore essayer de vous enfuir? J'ai du signer pour rentrer à la maison. Malheureusement je n'avais pas d'autre choix que de m'évader à nouveau avec Schebath."
Comble de l'ironie les 11 mois de prison de M. MATTLER Prosper lui ont été facturés à 502 Marks.
D'après le bulletin communal de mai 2013.